Il a plu sans discontinuité pendant deux jours. La maison est sous-eau du rez-de-chaussée au premier étage. Je suis au deuxième étage. Pour tout butin de survie : deux bouteilles d’eau prises à la hâte et des pommes rouges.

Rouge couleur de la violence. Couleur de l’amour. J’attends. J’attendrais encore les secours face à cette violence dévastatrice. La maison se démembre, moi aussi. La maison craque, moi aussi. La maison résiste à l’effondrement possible. MOI aussi. Jusque quand ? La maison ne sait pas. Ma maison non plus…

Je suis au troisième jour d’attente des pompiers. Depuis le déluge, je sais que je suis sur leur liste. Je suis à la fenêtre de la chambre bleu. La gravure nommée Réparation me regarde. Nous sommes face à face. Tu as déjà réparé. Tu t’es déjà réparée. Pas d’effondrement. J'acquiesce.

La maison a mal. Mes membres sont douloureux. Le démembrement guette. La rivière charrie des traces de vies enterrées. Les rives regorgent d’objets chéris. L’ourson brun de Théo flotte. Je le reconnais. Je lui ai offert à sa naissance, c’était mon voisin d'en face. Il a eu peur, moi aussi. La maison aussi. Nous devons crier cette peur. L’exhorter faute de pouvoir fuir, faute de pouvoir être secourus. Pas de figement. Pas d’effondrement.

Trois jours plus tard, sur le lit l’hôpital, je parcours la couverture d’un livre déposé, Comment rester serein quand tout s’effondre. Il est là sur la table de nuit. Un cadeau de circonstance. Sans doute. Un cadeau acheté à la hâte. C’est possible. Un cadeau prémonitoire d’un deuxième effondrement. Peut-être. Un cadeau sans usage. Sûrement.

Je suis dans une rage sourde. Je voudrais ajouter au titre, comment rester serein quand tout s’effondre et qu’on a subi un démantèlement ?

Demain, j’irais voir Théo et le prendrais dans mes bras…

Demain, j’irais voir mon courtier d’assurance…

Demain, je mets en place un comité de défense des sinistrés…

Demain…

Marie