1. Dette & Fiscalité
  2. Introduction

La fiscalité est un sujet politique récurrent sur lequel il n’est pas rare d’assister à des décisions contradictoires d’une législation à une autre. Son organisation, sa structure et son développement conditionnent directement les services publics puisque la fiscalité est la principale source de financement de ces derniers.

Le débat politique est hélas trop souvent pollué par des propositions démagogiques qui promettent toujours moins d’impôts et de taxes comme si ces diminutions étaient les solutions à tous les maux de la société. De plus, les réformes fiscales entamées depuis 25 ans favorisent souvent ceux dont les revenus sont les plus élevés, et qui n’en ont dès lors pas vraiment besoin. Rage taxatoire, salaire poche, tax shift, la droite ne manque pas de vocabulaire pour transformer ce débat politique en « talk-show ». Les néolibéraux n’ont de cesse de nous faire croire que d’une part, les travailleurs sont plus taxés en Belgique que partout dans le monde et que d’autre part, les employeurs paient trop de « charges » patronales, ce qui freine l’engagement de nouveaux travailleurs. Par là même, ils en profitent pour brouiller les frontières entre ce qui relève de la fiscalité d’une part, et de la protection sociale d’autre part. Lorsque la presse se fait le relais systématique de ce discours, on comprend mieux pourquoi la plupart des citoyens adhèrent à la proposition gouvernementale d’une augmentation du « salaire poche » et des allègements fiscaux aux entreprises.

Le gouvernement actuel a présenté sa réforme fiscale, le tax shift ou « virage fiscal » comme la solution miracle pour, soi-disant, réduire le chômage et la dette publique tout en accroissant la compétitivité des entreprises. Pourtant, ce « tax shift » relève d’un choix idéologique. En effet, l’augmentation des taxes prévues par cette réforme pénalisera durement les moyens et bas revenus [TVA, précompte mobilier, accises]. Alors qu’« environ 2 % des familles belges, quelque 80 000 familles, ont une fortune de plus d’un million d’euros. Un impôt progressif - 1 % sur la fortune qui dépasse 1 million, 2 % sur la tranche qui dépasse 2 millions et 3 % sur la partie qui dépasse 3 millions - rapporterait plus de 8 milliards par an. »[1]. Sachant que les impôts indirects touchent toujours plus durement les bas revenus - comble du cynisme ou signe de son incompétence - le gouvernement annonce une augmentation de 100 € net pour les bas et moyens revenus, alors qu’il augmente en même temps la TVA sur l’électricité de 6 à 21 %. Avec cette mesure, le gouvernement donne d’une main ce qu’il reprend immédiatement et plus que largement de l’autre.

Malheureusement, le principal débat sur la fiscalité est complètement et volontairement passé sous silence. L’enjeu sur lequel repose cette question de la fiscalité tient avant tout au type de société que nous souhaitons construire. Pour les néolibéraux, la réponse est claire : une société capitaliste dont le seul but est de maximiser les profits de ceux qui en font. Un monde où les pouvoirs publics laissent les marchés financiers s’« autoréguler » (ce qui équivaut à se déréguler) au détriment des travailleurs. Travailleurs qui sont dès lors relégués au rang de variable d’ajustement budgétaire. Une économie où des producteurs voient leur production vendue au plus offrant dans les bourses mondiales et surtout des 99 % de la population qui vit selon le bon vouloir du 1 % détenant la presque totalité des capitaux et des richesses mondiales.

Pour la CGSP wallonne, la fiscalité doit être l’outil privilégié des autorités pour tendre vers une société toujours plus juste et égalitaire. Une société où les richesses produites sont redistribuées via des services publics forts et audacieux. Une société où le prélèvement de l’impôt est réparti équitablement sur base de critères progressifs tenant compte du patrimoine de départ, des capitaux détenus, des revenus générés par le travail et les biens immobiliers, mais aussi des difficultés sociales, économiques ou physiques qu’ils doivent affronter.

Contrairement au discours ambiant, il existe des solutions, des initiatives à prendre en matière de fiscalité qui, sans relever de la rage taxatoire, permettraient de lever les fonds nécessaires au financement des services publics.

  1. Progressivité de l’impôt et globalisation des revenus

La CGSP wallonne s’oppose fermement aux différentes réformes fiscales opérées depuis la fin des années 80 sur la progressivité de l’impôt des personnes physiques. En effet, de 1988 à 2012, les tranches d’imposition sont passées de 12 à 5 tranches. Cette suppression de tranches les plus élevées a conduit à une diminution du taux d’imposition pour ceux dont les revenus atteignaient les tranches supprimées. En effet, la suppression des tranches élevées permet aux plus gros revenus de payer moins d’impôts mais ne change en rien l’imposition des bas et moyens revenus. La progressivité de l’impôt est forte pour les bas et moyens revenus et faible pour les revenus élevés. D’autant que certains types de revenus (singulièrement des revenus auxquels les personnes à bas revenus ne peuvent pas accéder, tels que les revenus locatifs ou mobiliers) échappent à la progressivité de l’impôt en raison de l’absence de globalisation des revenus dans le système fiscal belge.

C’est pourquoi, comme nous l’évoquions dans l’introduction, pour la CGSP wallonne, le problème n’est pas le niveau de taxation sur le salaire mais bien le fait qu’une part importante des revenus échappe à l’impôt ou est faiblement taxée en raison de mesures d’exonération fiscale.

Depuis les années 1980, les revenus financiers (mobiliers) ne doivent plus être déclarés dans la déclaration d’impôts des personnes physiques à condition qu’ils fassent l’objet d’un précompte libératoire à la source de l’ordre de 15 à 25 % (ou 27 % selon la dernière réforme fiscale). Ce montant est incroyablement faible par rapport aux impôts payés sur le travail.

Par ailleurs, certains revenus immobiliers ne sont actuellement pas taxés et devraient dès lors être déclarés dans l’IPP afin d’être intégrés au calcul de revenus.

Pour éviter de pénaliser les personnes à moyens et bas revenus, la quotité exemptée pourrait alors être relevée, la manne fiscale étant augmentée par la globalisation des revenus. L’impôt serait alors plus équitablement réparti en fonction des revenus globaux de chacun et l’État bénéficierait de rentrées supplémentaires pour améliorer et développer ses services publics.

Nous plaidons donc pour une augmentation des tranches d’imposition, entre autre, via le rétablissement de la tranche à 55 % pour les revenus compris entre 8 000 et 14 000 euros bruts par mois et pour l’instauration d’une tranche à 65 % pour les revenus supérieurs à 14 000 euros bruts par mois.

  1. Lutter efficacement contre la fraude fiscale

La fraude fiscale représente en Belgique pas moins de 30 milliards d’euros par an. Cette somme astronomique est le résultat d’une part, de l’existence du secret bancaire qui permet aux plus nantis d’échapper à l’impôt et d’autre part, du manque de moyens humains et financiers mis en place dans l’administration fiscale pour organiser les contrôles nécessaires.

La Belgique est régulièrement qualifiée de paradis fiscal, ce qui se justifie par plusieurs éléments :

  • l’absence d’impôt sur la fortune fait de la Belgique une terre d’accueil pour les exilés fiscaux ;
  • jusqu’il y a peu, aucune taxation n’était prévue sur les plus-values boursières. Le gouvernement a annoncé dans son projet de « tax shift » l’instauration d’une taxe portant sur les plus-values dépassant le montant de 10 millions d’euros, mais dans l’état actuel des choses, cette taxation sera dans la plupart des cas éludée par les montages fiscaux ;
  • le secret bancaire n’autorise pas l’accès de l’administration fiscale aux registres des banques et permet donc à de nombreux contribuables de ne pas déclarer tous leurs revenus ;
  •  l’imposition des revenus du capital et l’impôt des sociétés sont très faibles proportionnellement à la taxation du travail ;

-          l’absence de globalisation des revenus (capitaux, professionnels, mobiliers, immobiliers, locatifs…) et l’existence du précompte mobilier libératoire permettent d’échapper à la progressivité de l’impôt.

La CGSP wallonne demande la levée du secret bancaire et l’augmentation des moyens alloués à la lutte contre la fraude fiscale.